Les départs

Publié le par Julia Angellier Vernet

Les départs

Deux ans ont passé, Ludivine et Frédéric rendent souvent visite à Isabelle, la savoir heureuse les console de sa décision. Elle a pardonné à sa mère, elle est en paix.

C'est bientôt le temps des vendanges à Mogador. Ce matin là, Frédéric se presse, son emploi du temps est chargé, de plus Ludivine lui demande de passer à la Gloriette où Madeleine enceinte doit bientôt accoucher. Julia n'en peut plus d'attendre.
Mais Frédéric ne rentrera pas, il ne rentrera plus, pour éviter un petit garçon il a fait une embardée qui l'a conduit contre un arbre. Ludivine avertie l'a retrouvé à la ferme où il a été transporté, il l'a réclamée, depuis il ne parle plus. Il meurt dans ses bras.
Les jours qui suivent la laissent désorientée, c'est si difficile de croire à cette mort. Les enfants, l'entourage se pressent auprès d'elle, essayant de la consoler, ces présences lui pèsent. Vincent et Elise viennent séparément presque tous les jours, Adrienne l'invite à venir au Cigalier, Madeleine enfin accouchée d'un petit garçon lui donne le prénom du disparu. Ludivine s'en fiche, il n'y a qu'un Frédéric. En quinze jours, elle est devenue méconnaissable, en tant que médecin, Vincent s'inquiète.
C'est vers sa belle-mère qu'elle se réfugie, combien de fois Julia a t'elle mis de côté son propre chagrin pour s'occuper de celui de Ludivine....

Cinq mois plus tard un petit incident vient la distraire momentanément de son chagrin, Anne a débarqué seule.
Ravagée de chagrin, elle explique à sa mère qu'elle a trouvé une lettre sans équivoque écrite par une femme à Gaspard. Qu'elle est partie sans explication après avoir pleuré tout l'après midi.
Après avoir rencontré Gaspard accouru mais qu'Anne refuse de voir et qui lui a raconté combien il regrette, que c'est une bêtise, que cette histoire n'est qu'une frasque d'avant son mariage, il a été relancé et n'a pu résister, mais il le regrette car il adore Anne. Ludivine magnanime le console et lui promet de faire son possible pour les réconcilier. D'ici là elle ordonne à Gaspard de ne pas bouger de l'hôtel où il est descendu.
Peu après elle se déplace à Montpellier pour aller voir Isabelle. François qui est solidaire de Gaspard laisse mijoter Anne, mamé Julia enfermée dans sa chambre ne lui est d'aucun secours, Christine sauvage et solitaire n'a plus la même complicité qu'auparavant, Dominique discrète, rêve à son cousin Numa.
Esseulée, Anne habituée aux rires, se trouve bien isolée, elle imagine des scènes de retrouvailles pathétiques avec Gaspard.
Mais Gaspard n'apparaît pas, et à la longue c'est assez
vexant.

De retour de Montpellier, Ludivine découvre ses 4 enfants sur le quai, cette attention lui fait chaud au coeur. Ils lui apprennent que Julia a passé une mauvaise journée. Elle monte voir sa belle-mère avec qui elle échange quelques mots avant d'aller se coucher exténuée. A cinq heures du matin elle est réveillée par Philo qui lui explique que Julia a de l'oppression et ne peut plus respirer. Vincent appelé arrive à la première heure, et après avoir visité Julia, il demande à Ludivine de faire prévenir Adrienne et Hubert. Ce n'est pas comme le croit Ludivine, la crise habituelle. Soulagée par une saignée et deux piqûres, Julia qui sait que c'est le dernier moment en profite pour faire ses adieux, apaisée, sûre de retrouver son Rodolphe, elle console Ludivine que ce départ bouleverse. Constant est venu de la Sarrazine, sa soeur et lui ont pu se dire adieu.
Au soir, sa journée terminée, Julia s'est éteinte. Servants et maîtres unis dans le désarroi pleurent celle qui a régné longtemps sur son domain
e.

Cinq mois ont passé, François s'occupe de Mogador, souvent Ludivine l'accompagne sur les terres, même Christine de temps à temps fait route avec eux. Anne réconciliée avec Gaspard depuis le décès de Julia est à Rome où elle mène une vie dorée qui fait rêver ses soeurs. Elle doit leur rendre visite fin août.
Mais une dépêche apprend que le jeune ménage arrivera le 25 juillet.
A leur arrivée, Gaspard leur apprend qu'il repart le soir même, en aparté, Ludivine lui demande ce qu'il se passe. Gaspard lui répond que la guerre est proche
.

Ordre de mobilisation, Mogador voit défiler tous ces jeunes qui partent au combat.
Tous s'en vont, Gaspard, les frères du Roveret, Numa et son beau-frère Henri Fauvelly le mari d'Agnès, Alban Marquet-Rageac, et aussi Georges et Léon Vernet, les frères de Madeleine, Hubert.
Ludivine se console en pensant que François est trop jeune pour partir et Frédéric n'est plus là, elle n'aura pas comme toutes les autres épouses à trembler pour lui.
Septembre revint et ce jour anniversaire où Frédéric s'en était allé pour toujours. Le temps était beau oubliant que dans les tranchées des hommes mouraient chaque seconde. Lettre de Gaspard qui va bien, qui leur apprend qu'il a trouvé Numa sur le front. Dominique se souvient de son départ elle sent encore la moustache fauve effleurer sa joue.
L'automne s'enfuit laissant place à l'hiver, des nouvelles arrivent, Anne écrit tous les jours à son mari, Christine entretient une correspondance plus étendue, mais c'est surtout Alban Marquet-Rageac le plus assidu. Et quand on lui en fait la remarque, elle s'étonne!!!
Anne et Christine se sont engagées comme infirmière à l'hôpital militaire de Tarascon. Ludivine accepte, à la demande d'Anne, de recevoir des blessés convalescents à Mogador. François fait amitié avec tous et se régale de récits du front. Ludivine n'a guère le temps de s'occuper de ses hôtes, absorbée par le domaine auquel manque tant de main d'oeuvre. François voudrait bien qu'elle achète une automobile, mais c'est trop demander à Ludivine.
Une lettre apprend à Anne que son mari est blessé, elle part aussitôt à son chevet. Peu de temps après, un matin de juin, on découvre Philo morte. La vieille camériste de Julia n'a jamais voulu quitter sa vieille maîtresse et quand Adrienne lui a demandé de venir au Cigalier après le décès de Julia, Philo a refusé, trop enracinée à Mogador. Elle repose près du tombeau des Vernet, avec son petit Fulcran.
Après les vendanges, alors que Ludivine et François font les comptes dans le bureau, Christine demande à s'entretenir avec sa mère. Le soir même dans un silence glacial, Ludivine informe ses enfants que Christine va se marier avec Alban Marquet-Rageac. Le mariage a lieu sans apparat et c'est presque aussitôt que les nouveaux époux partent pour Lyon avant de regagner Bar le Duc où Christine sera infirmière dans l'ambulance d'Alban.

Gaspard rendu inapte au service a repris son travail de diplomate, nominé à New York, ils sont venus Anne et lui faire leurs adieux à leurs parents. Mogador est déserté, Dominique se rend souvent chez sa marraine Elise où en compagnie d'Henriette, elle se rend utile auprès des convalescents. François les y rejoint souvent pour le plus grand plaisir d'Henriette. En ce mois de février 1916 les jumeaux ont eu 18 ans cet anniversaire est passé inaperçu on ne les fête plus depuis la mort de Frédéric. Mais François lui y pense, il pense être en âge d'aller se battre. Il cherche le moment opportun pour en parler à Ludivine. Les nouvelles du front ne sont pas bonnes, Henri Fauvelly est rentré à Tourvieille amputé d'une jambe. Georges Vernet a été blessé. François se confie à Henriette, il doit partir, il ne peut pas laisser ses compagnons se battre sans lui. Henriette se met à pleurer et François découvre qu'elle éprouve pour lui autre chose que de l'amitié. et ébloui s'aperçoit qu'il partage le même sentiment.
Fort de cet amour, il trouve le courage de dire à sa mère qu'il souhaite partir au front, elle s'y oppose violemment. Chaque jour apporte des nouvelles de blessés, de morts, François ronge son frein, il disparaît des journées entières, Ludivine ne dit rien. Tout plutôt que de le voir partir. C'est incidemment, par Elise, qu'elle apprend que François voit souvent Henriette.
C'est au tour d'Hubert d'être blessé, il a été évacué sur Vannes où Madeleine l'a rejoint laissant le petit Frédéric aux bons soins de Dominique.
Pour faire la paix avec son fils, elle lui propose de racheter une automobile, ce qui rend fou de joie le jeune homme. C'est avec elle que François accompagne sa mère à la Gloriette rendre visite à Hubert revenu à la vie civile. Passionné par les récits de son oncle et parrain, François se partage entre Henriette et Hubert. Tant et si bien que Ludivine exaspérée par ses cachotteries lui demande des comptes au sujet d'Henriette. Ils iront au plus tôt faire la demande en mariage.
A la fin de l'année, Numa vint en visite galonné Lieutenant, et avant de repartir il demande à Dominique de lui faire un brin de conduite. Et au moment de se quitter, Numa l'embrasse sur les lèvres.
La ronde des permissionnaires persuade davantage François. Il doit partir. Il revient à la charge auprès de sa mère qui ne veut pas accepter, une cruelle dispute les laisse exangue tous deux. Finalement devant le désarroi du jeune homme, Elise intervient, elle sait bien que François partira avec ou sans le consentement de sa mère. Doucement elle essaie de convaincre Ludivine, mais Ludivine est trop malheureuse, elle se révolte arguant que de ses cinq enfants, l'une est au couvent, l'autre en Amérique, la troisième dans l'Est à deux pas du front et il faudrait qu'elle donne son fils unique, le portrait vivant de son Frédéric. C'est alors qu'intervient François, affrontant une nouvelle fois sa mère. Dans un désespoir mêlé de haine, d'une voix méconnaissable elle lui donne la permission de partir et quand il essaie de la prendre dans ses bras elle se dégage. Seules Henriette et Dominique l'accompagneront à la gare.
Une longue lettre tendre pour sa mère lui apprit qu'il était monté au front mi-juillet, le 20 août François tomba au Bois des Corbeaux et ne se releva pas.
Effondrée elle apprit huit jours plus tard le décès de Christine, tombée à bicyclette dans un trou d'obus, après 48 heures de souffrance, elle avait avorté avant qu'une septicémie foudroyante l'emporte. Anéantie, sans réaction, Ludivine se terrait dans sa chambre. Et quand elle rejoignit Dominique ce fut d'un air absent. Peu à peu Ludivine se déchargea des soucis du domaine sur Dominique. Au début du printemps, Ludivine semblant s'éveiller de sa nuit opaque voulut se promener au soleil. Plus un cheval dans les écuries et ne voulant pas user de la voiture de François, elle décida d'aller à pied. Elle fit presque le tour du domaine arrivant sur le perron en nage et fourbue. Le lendemain elle se plaignit de sa nuit et garda plusieurs jours le coin du feu en toussant.
Numa revient en permission et passe la nuit à Mogador, le lendemain Dominique le raccompagne à la gare, ils reparlent de leur adieu de l'an dernier, bravache Dominique fait semblant de croire que c'était pour rire et Numa acquiesce. Cependant il lui demande de lui écrire.
A son retour de la gare, Mathilde lui apprend que Ludivine s'est trouvée mal. Le docteur de Tarascon ne cache pas la gravité de son état. Ludivine l'a compris et ne cherche pas à lutter. Elle demande à voir Hubert pour lui confier Dominique. Un grain de sable fait dévier la conversation qui tourne au drame, si près de la mort, Ludivine demande à Hubert s'il lui a pardonné. C'est si vieux. Mais Hubert dans un affolement incontrôlable lui refuse son pardon. Un torrent de haine s'échappe de sa bouche. A son tour Ludivine se fache, le chasse et bien qu'il veuille revenir sur ses paroles elle refuse d'aller plus loin.
Ludivine meur
t cette nuit là dans son sommeil.

Publié dans Ludivine

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